
LENAX – LETTRE AU PREMIER MINISTRE
Monsieur le Premier Ministre,
À un moment où le respect des institutions est pointé, il est anormal de constater que seules les Députées de la majorité présidentielle aient eu l’information de votre venue dans l’Allier, jeudi 31 janvier dernier pour participer à une initiative dans le cadre du Grand débat sur la commune de Lenax. Bien qu’élu de l’opposition, je suis autant légitime que n’importe quel autre député, ayant obtenu une majorité des voix dans ma circonscription.
Certains électeurs comprennent difficilement que leur député ait un traitement différencié. Manifestement, bien que cette initiative ne se déroule pas sur sa circonscription, ma collègue de Montluçon était présente. D’ailleurs, sa présence et celle de ma collègue de Vichy ont été relevées sur le site internet de la Préfecture. Il eût été respectueux de ma fonction que votre présence me soit signalée. Cela m’aurait permis de m’excuser et de ne pas laisser croire aux Bourbonnaises et Bourbonnais que j’avais pratiqué la politique de la chaise vide ! Ceci est particulièrement désagréable et pour certains de mes électeurs, votre démarche apparaît de ce fait plus comme celle d’un chef de parti, plutôt qu’un Premier Ministre !
Par ailleurs, comme le titrait l’excellent quotidien régional La Montagne, vous vous seriez rendu au chevet de la ruralité. Un sujet sur lequel je m’investis beaucoup et depuis longtemps. J’ai conduit notamment une mission lorsque j’étais président du Conseil général de l’Allier, mission qui m’avait été confiée à l’époque par le Président de l’Association des Départements de France, Claudy Lebreton.
Dans ce rapport, nous avions pointé quatre éléments forts concernant l’avenir des territoires ruraux face à la mutation à laquelle ils sont aujourd’hui confrontés :
- Répondre au défi démographique pour les départements qui perdent de la population avec un solde naturel négatif qui n’est plus compensé par le solde migratoire.
- Répondre au désir de campagne pour de nombreux français qui imaginent un projet de vie sur ces territoires à la qualité de vie inégalée.
- Répondre au sentiment d’abandon exprimé par de nombreux habitants de ces territoires, qu’ils considèrent abandonnés par la République.
- Accompagner ces territoires dans leurs nouvelles fonctions économiques de façon à ce que leurs habitants puissent concilier projet de vie et projet professionnel.
Je suis intervenu à plusieurs reprises à l’Assemblée Nationale sur ces questions de ruralité que beaucoup semblent découvrir aujourd’hui. Je persiste à croire que sans une loi d’orientation, qui pose les bases d’un vrai projet, nous en resterons au stade des bonnes intentions, de mesures au coup par coup sans une véritable vision alors que la France continue de s’organiser de plus en plus autour d’une vingtaine de métropoles.
Monsieur le Premier Ministre, nous avons des choses à dire, nous avons des choses à exprimer, nous sommes force de propositions sur ces questions. J’évoquais la nécessité d’une loi d’orientation dans ce domaine. J’ai pris l’initiative, avant et après l’été 2018, d’organiser des ateliers sur ma circonscription. À toutes fins utiles, je me permets de vous joindre le document de synthèse que nous avons établi à la suite de ces rencontres. C’était notre Grand débat à nous et je ne voudrais pas, à un moment où vous sollicitez l’avis des français, que ce travail précieux soit occulté.
Cette démarche pour moi, pour nous, était importante car nombre de femmes et d’hommes, et bien au-delà de ma sensibilité, ont toujours considéré qu’il faut associer les citoyens à l’élaboration des projets qui les concernent.
C’est pourquoi, j’organise le 14 mars prochain, une soirée dans le cadre du Grand débat. Vous me permettrez d’ailleurs à cette occasion d’ouvrir plus largement sur les questions que les participants voudront aborder.
J’ai également mis à disposition du public depuis le 11 décembre, un cahier d’expression dans ma permanence, cahier que je transmettrai aux instances chargées d’exploiter les contributionsde nos concitoyens.
Ces quelques mots pour dire, Monsieur le Premier Ministre, que quelles que soient leurs sensibilités, les élus de la Nation, du moins certains d’entre eux, sont impliqués pour que vive notre démocratie, notre République et que l’entre-soi n’a pas sa place à un moment où nos institutions sont interpellées.
Je reste bien entendu disponible pour échanger avec vous sur ces questions déterminantes pour l’avenir de notre pays et vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de mon profond respect.
Jean-Paul Dufrègne