
Présentation du rapport sur la proposition de loi « eau et assainissement »
La gestion publique de l’eau et de l’assainissement soulève des enjeux écologiques, économiques, sociaux et territoriaux au cœur des débats démocratiques. Elle touche à des préoccupations fondamentales inhérentes à la libre administration des collectivités locales ainsi qu’à la qualité et au prix du service dont bénéficient quotidiennement nos concitoyens.
L’objet de la présente proposition de loi inscrite à l’ordre du jour de la journée réservée du groupe de la Gauche démocratique et républicaine vise à supprimer le caractère obligatoire du transfert par les communes aux communautés de communes des compétences « eau » et « assainissement » prévu au plus tard le 1er janvier 2026.
Créé précipitamment par la loi NOTRe du 7 août 2015, ce transfert obligatoire suscite depuis plus de six ans de fortes et légitimes oppositions, qui se manifestent de façon répétée et transpartisane. Au cours de cette législature, de nombreuses initiatives législatives ont ainsi été entreprises par des différents groupes politiques afin de supprimer le caractère obligatoire du transfert de ces compétences à l’échelon intercommunal. Dans cette perspective, le Sénat a adopté un article 5 bis au projet de loi dit « 3 DS » ([1]) que la commission des Lois a décidé de supprimer lors de son examen en première lecture.
Cette obligation de transfert présente depuis 2015 des difficultés majeures qui ont contraint le Gouvernement à plusieurs reculades, certes bienvenues, mais cependant insuffisantes. En effet, la loi du 3 août 2018 a repoussé pour les seules communautés de communes la date butoir du transfert au 1er janvier 2026, alors qu’elle était initialement fixée au 1er janvier 2020, grâce à l’activation d’un dispositif de minorité de blocage. La loi du 27 décembre 2019 dite « Engagement et proximité » a également ouvert la possibilité aux intercommunalités exerçant déjà les compétences « eau » et « assainissement » de les déléguer aux communes par convention. Ces assouplissements progressifs étaient utiles. Néanmoins, ils ne corrigent en rien la rigidité, la brutalité et l’inopportunité profonde que représente l’obligation faite aux communes d’abandonner in fine leurs compétences à la communauté de communes à laquelle elles appartiennent.
Six ans après la loi NOTRe, une large majorité des communes membres d’une communauté de communes ne souhaitent toujours pas renoncer à leurs prérogatives en la matière : seules 33 % des communautés de communes exercent à ce jour la compétence « eau », et 41 % la compétence « assainissement collectif ». Ces chiffres démontrent que le transfert obligatoire ne satisfait aucun besoin général exprimé par les communes et les communautés de communes, ce qui a été confirmé lors des auditions conduites par votre rapporteur. Il apparaît inutile et dangereux de prétendre savoir à la place des communes ce qui serait le mieux pour elles. Malgré les pressions dont elles peuvent faire l’objet, la plupart d’entre elles assument encore aujourd’hui, et de façon satisfaisante, les compétences « eau » et « assainissement » car leur exercice dépend en premier lieu des spécificités propres à chaque territoire.
Ce constat, maintes fois renouvelé, pose une question clef : pourquoi détruire ce qui fonctionne bien aujourd’hui ? L’intercommunalisation à marche forcée ne constitue pas une solution d’avenir. Il s’agit d’un mouvement méconnaissant les principes de différenciation territoriale et de libre administration des collectivités locales que le Gouvernement et sa majorité prétendent défendre. En outre, cette obligation généralisée de transfert des compétences aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) ne se justifie pas.
Premièrement, le périmètre géographique des communautés de communes n’est pas forcément adapté au périmètre naturel des services d’eau et d’assainissement, qui doivent être organisés autour des zones de prélèvements et dimensionnés selon la ressource disponible, au regard de la localisation des bassins versants. Une grille de lecture uniformément intercommunale ne saurait donc se calquer sur ces enjeux topographiques propres à chaque territoire.
Deuxièmement, le transfert obligatoire aux communautés de communes ne va pas automatiquement provoquer des économies d’échelle ni une amélioration de la qualité du service ou une diminution du prix. Au contraire, la gestion administrative n’en sera que plus éloignée, au risque de provoquer une perte de compétence et de connaissance fine des réseaux d’eau et d’assainissement. Cette évolution peut ainsi ouvrir la voie à des tentations alors compréhensibles de confier à des entreprises privées la gestion de ces missions par le biais de délégations de service public, dont les défaillances en la matière se sont multipliées au cours de la dernière décennie.
Pour l’ensemble de ces raisons, la présente proposition de loi supprime le caractère obligatoire du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, en réinsérant ces compétences parmi celles pouvant être exercées par les communautés de communes à titre optionnel. Si les communes membres de ces intercommunalités souhaitent malgré tout transférer ces compétences à l’EPCI-FP, elles conserveront bien sûr la possibilité de le faire. En aucun cas elles ne doivent y être contraintes de façon brutale et rigide, au mépris des réalités territoriales auxquelles elles sont confrontées de longue date.