Questionnements et inquiétude autour du projet Hercule
QUESTION posée le 26/11/2020
Jean-Paul Dufrègne attire l’attention de Mme la ministre de la Transition écologique sur les questionnements autour du projet Hercule de démembrement d’EDF, et sur l’inquiétude partagée que cette transformation suscite. Le projet Hercule, c’est la fin d’EDF tel qu’il a été pensé et conçu en 1946 c’est-à-dire selon le principe que l’énergie constitue un bien public et qu’à ce titre, sa gestion ne peut être laissée dans les mains de sociétés privées. Aujourd’hui, l’objectif gouvernemental est tout autre : il faut ouvrir les valves des marchés et désengager l’État. Pour y parvenir, le projet Hercule vise à éclater EDF en une multitude de filiales regroupées en deux pôles : un pôle public, dit bleu, regroupant le nucléaire, l’hydraulique et le thermique et un pôle ouvert aux capitaux privés, appelé vert, tourné vers les énergies renouvelables, la commercialisation, le réseau de distribution, les services… Après 20 ans de libéralisation et de mise en concurrence du marché, le constat est sans appel : les prix de l’électricité et des énergies n’ont cessé d’augmenter tandis que les consommateurs sont confrontés à un système opaque et à des démarchages permanents voire malhonnêtes. A ce constat, s’ajoutent d’autres conséquences, et non des moindres, comme une disparition en 2023 des tarifs régulés, des prix de marché volatiles, une baisse des budgets de recherche et d’ingénierie ou encore une mise en danger de la sûreté des installations, pour ne citer qu’elles. Une nouvelle fois, les grands gagnants sont les flux de capitaux contre l’intérêt général. De même, sous couvert d’une marche accélérée de la transition écologique, le choix de privatiser une entreprise dont l’État est actionnaire à 83,7% est un contresens. Pour exemple, le développement anarchique des énergies renouvelables, notamment l’éolien, est une véritable catastrophe pour les territoires ruraux comme l’Allier et il faut au contraire renforcer l’intervention publique dans ce domaine pour structurer ce développement. Avec le projet Hercule, ce secteur essentiel et stratégique sera confié au privé. Alors que l’urgence climatique exige une planification à long terme incompatible avec le marché et que la crise sanitaire nous a rappelé l’importance d’avoir des services publics forts, le projet Hercule va livrer le système électrique aux intérêts privés contre l’intérêt de tous. Quel contrôle l’État exercera-t-il sur la stratégie industrielle concernant les moyens de production à moyen et long terme, afin de garantir une fourniture en adéquation avec la demande ? Comment respecter les émissions de CO2 alors que 2 productions, nucléaire et hydraulique, entreront en concurrence avec l’ouverture des concessions des ouvrages électriques ? Quel contrôle l’État exercera-t-il en matière de sécurité industrielle ? Quelles garanties que le pôle dit vert en ouvrant son capital n’aboutisse pas à la situation actuelle de GRDF ? Comment s’assurer que le financement d’Enedis TURP (tarif d’utilisation des réseaux publics) ne soit pas détourné pour alimenter des intérêts privés ? Comment l’État s’assurera-t-il qu’il n’y ait pas d’envolée des tarifs ? Et quelle garantie apportera-t-il sur le maintien de la péréquation tarifaire, garant d’égalité de traitement sur le territoire en matière d’électricité ? Aussi, il souhaite savoir si le gouvernement entend modifier le dossier Hercule en considération de ces questionnements et prendre toute autre disposition en la matière afin de développer un projet d’avenir pour réinventer un service public de l’électricité qui réponde à la crise climatique tout en garantissant l’accès à tous à l’énergie.