
TRIBUNE : RÉTABLIR L’ISF, UNE PRÉALABLE À UNE REFONTE FISCALE INDISPENSABLE
Lors de son discours de politique générale de juillet 2017, le Premier ministre annonçait la suppression de l’ISF pour 2019. Sous la pression de patrons du CAC 40, mécontents du calendrier initial, le tir était rectifié et la réforme entrerait en vigueur dès 2018. Au plus haut sommet de l’État, l’oreille est sélective.
Un tel pouvoir d’influence ne peut que donner du crédit à la mobilisation de nos concitoyens, qui dénoncent légitimement un « deux poids, deux mesures » dont la politique fiscale du Gouvernement est devenue le symbole.
Les choix fiscaux opérés depuis mai 2017 sont sans ambiguïté : les 0,1% des ménages les plus aisés ont vu leur revenu disponible augmenter de 17,5% grâce à la suppression de l’ISF et à la baisse de la fiscalité sur les revenus du capital via un bouclier fiscal 2.0 ! La « cordée » est donc rompue tant la hausse de la CSG, la baisse des APL, le gel des pensions et le poids des dépenses contraintes sont venues dégrader la vie de l’immense majorité des Français.
Ces transferts de richesses, des plus modestes vers les plus riches, devaient ruisseler, selon les dires de l’exécutif et sa majorité. Il n’en est rien. Il n’en sera rien. Et au-delà de l’absence d’effets sur l’emploi et l’investissement, ces choix fiscaux ont fragilisé le vivre-ensemble, mis à mal la cohésion sociale et miné le consentement à l’impôt dans notre pays.
La question de la justice fiscale est désormais au cœur du débat public. Nos concitoyens attendent des réponses fortes. Nous avons besoin de retrouver de la sérénité.
Cet impôt de solidarité revêtait une dimension symbolique incontestable. Le Gouvernement traine sa suppression tel un boulet. Il paye au prix fort (mais juste) une erreur de diagnostic fondamentale : les symboles participent de l’acceptation de l’impôt par tous.
L’ISF n’était pas qu’un totem. En France, en 2019, le patrimoine des 10% les mieux dotés est 180 fois supérieur à celui des 10% les moins dotés. Ces inégalités, qui connaissent une dangereuse trajectoire, rongent la cohésion nationale. En s’asseyant sur la question des inégalités patrimoniales, l’exécutif a agi à rebours de l’Histoire.
Car l’impôt peut être un puissant vecteur pour corriger les disparités économiques, sociales et territoriales. Pour être efficace, il se doit d’être progressif et lisible. Notre système fiscal actuel ne répond pas à ces deux critères. Les impôts progressifs sont marginalisés. Le produit de l’impôt sur le revenu est deux fois moindre que celui de la TVA et de 30% inférieur à celui de la CSG, alors même que ces deux derniers sont proportionnels, donc foncièrement injustes.
Les niches fiscales, ces dispositifs dérogatoires aux effets plus qu’incertains, viennent quant à elles complexifier l’impôt et profitent très largement aux plus aisés. La fiscalité locale date, pour sa part, d’un ancien temps. A ce panorama s’ajoute un constat implacable : depuis 2010 et la mise en œuvre des politiques dites de « compétitivité », la fiscalité des ménages s’est alourdie pour financer les allègements dont bénéficient le secteur marchand.
Nous sommes aujourd’hui au bout d’un cycle. L’heure est venue de réhabiliter l’impôt. Par des mesures de pédagogie et de transparence, bien sûr : il est légitime que nos concitoyens sachent comment l’impôt est calculé et utilisé. C’est une exigence démocratique.
Mais notre pays doit aussi entamer une transformation en profondeur de son système fiscal ! C’est en ce sens que j’ai déposé, au nom des députés communistes, une proposition de loi visant à rétablir l’ISF et rendre l’impôt sur le revenu plus progressif. L’idée n’est pas de régler je-ne-sais quel compte avec les plus riches : il s’agit de porter une réflexion sur notre projet de société, sur l’organisation du vivre-ensemble et une juste répartition des richesses. En réhabilitant l’impôt progressif, nous poserions la première étape d’une refonte plus importante de la fiscalité, qui s’attacherait à restreindre les taxes et autres impôts régressifs.
Le Président de la République et sa majorité resteront-ils sourds à ces aspirations ?